On peut prendre pour illustration le mythe fondateur de notre culture judéo-chrétienne qui fait de la sexualité, et de la transgression de l’interdit de la connaissance qui va avec, le péché originel. La pomme et le serpent en sont les deux symboles sexuels (féminin et masculin).
On retrouve le serpent, et ses nombreux avatars (dragon ou murène...), comme symbole phallique dans toutes les cultures, sur tous les continents, à toutes les époques. Il se fait tantôt dieu, tantôt démon, tantôt remède miracle, tantôt poison. S’il nous prive du paradis sur terre, pour les Aborigènes d’Australie il est le Grand Serpent arc-en-ciel, dieu de la création du monde et de la connaissance, à l’origine de la vie et de la fertilité. Pour les Incas, il se travestit en Serpent à plumes. On le retrouve Dieu Serpent dans les rites vaudous d’origine africaine (ici aussi en association avec l’arc-en-ciel). En Asie, il prend plus fréquemment les traits du dragon cracheur de feu, comme dans bien d’autres mythologies, rituels ou récits initiatiques. Plus terre à terre, rampant, il suscite plutôt la méfiance voire l’effroi (même lorsqu’il est dépourvu de venin). Il peut être objet de phobie. Ce qui ne l’empêche pas de constituer un remède de choix pour soigner toutes sortes de faiblesses et de défaillances. Il n’y a pas si longtemps, dans les provinces d’Europe, qu’une vipère, macérée dans de l’eau-de-vie, fournissait le meilleur des remèdes de cheval. C’est cependant en Asie qu’on le consomme le plus et des plus diverses manières. Frais, bien pressé, le boire en jus permet aux convalescents de retrouver toute leur force. Il constitue une réponse à tous les maux (ou presque), il vitalise les biens portants afin de les préserver des maladies et il redonne de l’ardeur aux personnes âgées (surtout aux hommes). Il figure, avec l’aileron de requin et la corne de rhinocéros, parmi les stimulants et aphrodisiaques les plus recherchés. Ces médications n’ayant aucune vertu naturelle (est-il besoin de le souligner), elles nous montrent à quel point, chez l’être humain, le déterminisme symbolique peut prévaloir sur le déterminisme naturel. (…)
(Italie - Reggio Calabre)
Quant à la pomme, de même que la plupart des fruits charnus aux formes arrondies, elle symbolise la féminité avec ses rondeurs plaisantes (seins, fesses, plénitude de la maternité). Au Jardin d’Éden, dans la plupart de ses représentations picturales, la symbolique de la rencontre du serpent et de la pomme est rehaussée d’une part, par le tronc ou la branche autour duquel le serpent s’enroule pour accéder au fruit défendu, et d’autre part, par le feuillage du pommier, touffe arrondie qui sert d’écrin à la pomme. Croquer la pomme du péché originel, c’est tout à la fois consommer l’acte de chair et accéder à la connaissance qui fait sortir de l’innocence. Le fruit, rebondi, à la peau lisse, satinée ou veloutée, à la chair fraîche et tendre, parfumé, sucré, fondant et délicieux, est une métaphore courante de l’objet de désir (fruit de péché, mignon ou non). Comme dans tout processus de symbolisation, il s’agit d’une métaphore surdéterminée (où se combinent plaisir oral et sexualité génitale).
Dans certains archipels les « coco-fesses », noix de coco en forme, très suggestive, de paire de fesses, sont aussi réputées aphrodisiaques. Allez savoir pourquoi...