© Daniel Fanguin
Mes poèmes
Le grillon albinos
Pris à ce sournois jeu d’enfant,
Sous le simple titillement
D’une brindille, le grillon,
Surpris, se rend à reculons.
En si bel habit des dimanches,
Avec des ailes toutes blanches
Sur livrée caramel au lait,
De le voir ainsi, il me plait.
Je sus plus tard la chose rare.
Dans le repli de la mémoire,
Précieux trésor de l'enfance,
Il chante encore lorsque j’y pense.
Fès le 15 avril 2005
Partir en fumée
À regarder tous ces corps livrés au bûcher,
Sur la berge du grand fleuve sacré, brûler
En n’ayant qu’un seul pied, drôle de destinée,
L’autre, résigné, déjà parti en fumée,
Je sais désormais que sur l’ultime autre rive,
C’est, sans rire, à cloche-pied que l’on y arrive.
Fès le 15 avril 2005 (souvenir d’Inde et du Népal)
La plus sûre manière de monter au ciel
est sans nul doute de partir en fumée.
Mirage
Elle passait, mine de rien,
Faussement innocente, dans les vibrations
De l’air incendié, flambante ondulation,
En rehaussant ses petits seins.
Ô troublante schizoïdie,
Dont je voulais jouir encore et encore,
Que le désir si exacerbé dans un corps,
Par cette chaleur, alangui.
Larache 15 août 2006
L’averse
Que j'aime l’averse
Lorsqu'on la traverse
À grande enjambées ;
Libérant la terre
En un long parterre
D’effluves exhumés ;
Qui des demoiselles
Fait des hirondelles
De leur nid tombées ;
Et des étrangers
Fait se rassembler
Tels des naufragés.
Larache 17 août 2006
Papillons oranges
Ô j'ai fait ce rêve étrange
De beaux papillons oranges
— Oui j’ai bien “vu” la couleur,
Pu percevoir leur splendeur —
Qui s’échappaient en nuée
De ma bouche et de mon nez.
Je me disais, oppressé,
Qu’à ce point parasité
Si je ne pouvais rien faire
Ma peau ne valait pas chère.
Épris de vie, le cœur gros,
Je m’éveillais en sursaut.
En pleine nuit, un client
De l’hôtel, très mécontent,
Vociférait, et dehors
Un chien hurlait à la mort.
La mort pas encore, c’est dit
Je me rendors, à lundi.
Larache 20 août 2006
Face à la mer
Du haut des nuages apparaît
La tête de Poséidon ;
Une paille lui suffirait
Pour vider la mer jusqu’au fond.
À nous la cité engloutie,
Les vaisseaux chargés de trésors :
Bijoux de pierres sertis
Et coffres de pièces d’or.
Œil de verre et jambe de bois,
Pirate-fantôme hors la loi,
Tout un univers légendaire ;
Sirènes sans contrefaçon
Jouant les hôtesses de l’air...
Oh ! mon dieu, non ! et les poissons !
Guadeloupe mars 2012