© Daniel Fanguin
Tan-Tan Plage
Les jours de vent marin, la plage est lisse et souple. La démarche élastique, vivifié par l’air de l’océan, le promeneur se sent pousser des ailes. Si ce n’était la nette précision des empreintes de ses pas sur le sable, il oublierait qu’il marche, pour se laisser porter au gré du vent. Ainsi ces bribes d’écume, telles des barbes à papa, tout juste détachées d’un rocher pour, de roulades en culbutes, s’adonner à de nouvelles embrassades.
Les jours de sirocco — ou de chergui — la plage se relâche et se ride. Aveuglé par la poussière, ramolli par la chaleur suffocante de l’air, les pieds s’enfonçant dans un sable meuble, le promeneur peine à se détacher du sol pour avancer. Sur ses vêtements qui lui collent au corps, les marbrures de sueur, piégeant la fine poussière de désert qui s’insinue partout, dessinent des arabesques ocre-foncé. Dans cet étouffant nuage les limites entre sable et eau s’estompent, jusqu’à l’horizon de l’océan ne règne plus que l'ocre-jaune.
Lorsque, le soir venu, éclate un orage, tandis que le grondement du tonnerre couvre l’appel à la prière du muezzin, on remercie le ciel pour cette grande lessive salvatrice.
À marée descendante régulièrement les colonies de mouettes déplacent leur campement pour se tenir au plus près des flots. Préférant les vastes miroirs de sable mouillé, restant longuement immobiles, à quelle songerie peuvent-elles se livrer ainsi captives de leur reflet ?
Sur les lieux de leurs précédents rendez-vous, leurs fientes étalées, se détachant sur le sable encore brun d’humidité, prennent, sous les rayons du soleil déclinant, une teinte bleutée — comme autant de touches de ciel déposées là par l’invisible pinceau d’un fantasque artiste rêveur.
Tan-Tan Plage, décembre 2010